#merci coach alfredo villar-sbaffi
September 23, 2015
par Laurent Godbout
Dans le cadre de la Semaine nationale des entraîneurs, la FQA rencontre cette semaine des entraîneurs québécois et veut souligner leur contribution essentielle au développement de nos athlètes et de l'athlétisme québécois. Aujourd'hui, nous vous présentons Alfredo Villar-Sbaffi, entraîneur au club d'athlétisme Saint-Laurent Sélect. Faites comme nous et dites #MerciCoach!
Alfredo, tu es peut-être aujourd'hui plus souvent qu'autrement reconnu comme un entraîneur de performance. Comment en es-tu arrivé là?
Il faut dire que ça fait déjà vingt ans que je suis entraîneur. J'étais un athlète pas très bon qui faisait du 800 mètres et j'ai commencé à entraîner par accident. Un jour, l'entraîneur-chef a quitté le club et je me suis dit que je pourrais bien m'occuper de quelques athlètes en attendant qu'une autre personne arrive. Je m'intéressais déjà à d'autres épreuves, surtout la longueur et les épreuves combinées. J'avais déjà en moi un intérêt pour la science de l'entraînement.
Et tu as accroché tout de suite?
Ç'a été presque immédiat. Je n'avais pas moi-même eu un entraîneur stable et je ne voulais pas voir d'autres subir vivre la même chose que moi. Je me suis rapidement mis à lire et à étudier les disciplines pour apprendre. Je crois que j'aimais plus m'occuper des athlètes que de moi-même. Au début, j'ai été un peu chanceux parce que le premier groupe d'athlètes que j'ai eu était assez bon. On a amené ce groupe aux Jeux du Québec en 1995 avec le Lac Saint-Louis et on a remporté la première de neuf victoires d'affilée aux Jeux.
Avec quels athlètes as-tu eu le plus de plaisir et ou de succès?
C'est paradoxal parce les deux ne vont pas toujours ensemble. Avoir du succès avec un athlète ne signifie pas nécessairement que tu auras le plus de plaisir. Le premier athlète que j'ai eu a été Robert Charbonneau, qui est devenu un bon coureur de haies et qui a détenu des records provinciaux pendant un certain temps. J'ai aussi eu un bon sauteur en longueur, Alberto Rodas. Je pense que c'est grâce à lui que j'ai le plus progressé comme entraîneur. C'était un bon athlète mais il m'a forcé à mieux comprendre la discipline. J'ai commencé avec lui alors qu'il sautait un peu plus de 6,00 mètres pour aller jusqu'à plus de 7,40 mètres. J'ai eu beaucoup de plaisir à coacher Philippe Carey en épreuves combinées. Avec lui, nous sommes partis de presque rien, je n'avais pratiquement aucune connaissances en épreuves combinées et il s'est rendu jusqu'en équipe nationale junior avec quelque chose comme 6500 points au décathlon.
Quels ont été tes meilleurs moments et les plus difficiles?
Les meilleurs moments sont parfois des performances qu'on attend pas. Les moments les plus difficiles sont parfois lorsqu'on voit le talent de l'athlète, l'entraînement qu'on a fait avec et qu'on a pas les résultats qu'on attendait. J'ai eu plus de déceptions avec ces athlètes-là. C'est peut-être avec le même athlète que les deux moments sont arrivés. En 2010, au championnat canadien universitaire en salle, Christopher Greenaway a remporté le titre au dernier essai avec 7,88 mètres. C'était un moment excitant et plein d'émotions parce qu'à ce stade du concours, personne n'y croyait. Deux ans plus tard, à l'été 2012, on avait travaillé très fort pour atteindre le standard olympique et ça n'est pas arrivé. Il a fauté sur de très gros sauts et le résultat que nous souhaitions ne s'est pas réalisé.
Qu'est-ce qui est le plus gratifiant pour un entraîneur?
Pour moi, c'est quand on sait qu'on a contribué au résultat. Généralement, quand un athlète performe, c'est souvent l'athlète qui en retire le mérite. Quand ça ne fonctionne pas, c'est la faute du coach...C'est donc plus gratifiant quand on connaît le rôle qu'on a eu dans la performance.
Certains entraîneurs ne semblent pas confiants lorsqu'on parle de haut niveau ou ne semblent pas intéressés..
En général, les entraîneurs ont les connaissances et les compétences techniques pour aller vers le haut niveau. À mon avis, certains ont des problèmes avec le haut niveau parce qu'ils n'arrivent pas à évoluer dans la relation qu'ils ont avec l'athlète. La relation doit changer. Dans mon cas, je peux dire que j'ai été plus dictatorial avec les athlètes que j'avais avant qu'ils n'aient 16 ou 17 ans. Même si je les encourage à dire ce qu'ils pensent, avant cet âge, l'athlète devrait mieux écouter. Il n'a pas une connaissance profonde de l'entraînement ou de la technique. Ensuite, on passe à une situation où l'athlète est plus mature et le dialogue prend de l'importance. Il faut ajuster l'entraînement à l'athlète. On ne peut pas faire les mêmes choses d'année en année sans questionner ce qu'on fait ou se questionner sur ce que les autres font. Il faut développer nos connaissances et être constamment prêt à évoluer.
Les athlètes de haut niveau semblent de plus en plus vouloir se retrouver dans des groupes d'entraînement de haut niveau. Comment vois-tu cela?
Les groupes d'entraînement peuvent être une bonne chose. Le groupe peut être un moteur pour leur développement. Ils veulent souffrir ensemble, réussir ensemble. J'y crois encore plus pour le demi-fond. Comme athlète, je me serais sûrement mieux développé si j'avais été dans un groupe. En revanche, je ne pense pas qu'il y ait une seule recette. L'entraîneur d'un athlète de haut niveau a besoin de passer plus de temps avec l'athlète pour bien expliquer sa démarche. Par exemple, je vois une différence entre les athlètes féminines et les masculins. D'un côté, tu motives un gars, de l'autre, tu convaincs une fille.
As-tu l'impression d'avoir sacrifié des choses pour être entraîneur?
Seulement du temps. J'ai moins de temps pour beaucoup de ma vie personnelle. Moins de soirées, moins de fins de semaine. Par contre, quand tu aimes ça, ce n'est pas vraiment un sacrifice. Si j'arrêtais du jour au lendemain, qu'est-ce que je ferais de tout ce temps (rires)? Qu'est-ce que je ferais de 5 heures à 9 heures chaque soir? C'est pas toujours facile d'être entraîneur mais j'y retire pas mal de satisfaction. Ça devient peut-être plus lourd quand tes athlètes connaissent des difficultés ou sont blessés.
Après toutes ces années, tu as vu beaucoup d'athlètes passer devant toi. Est-ce que c'est difficile de recommencer au bas de l'échelle avec un athlète?
Non. On ne peut pas dire qu'il y a deux athlètes pareils. J'ai dû les accrocher de façons différentes. Pour moi, ce n'est pas répétitif. Si un entraîneur trouve que c'est répétitif, il doit se questionner. C'est pas normal qu'un coach fasse la même chose depuis 20 ans. Prenons par exemple les étirements, avant ou après une séance d'entraînement. La science démontre que ce n'est pas utile. Quand j'en fais faire aux athlètes aujourd'hui, c'est pour développer la flexibilité. Et puis, coacher un athlète en 1995 n'était pas la même chose qu'aujourd'hui. Avec l'internet, les réseaux sociaux et la façon dont ils communiquent, leur vision du monde a changé.
Comment vois-tu ton avenir comme entraîneur?
Je n'ai jamais eu d'athlète aux Jeux olympiques. C'est peut-être pas quelque chose que je peux faire présentement, parce que j'ai un emploi et je ne suis pas entraîneur à temps plein. J'aimerais bien ça mais les probabilités sont faibles. En revanche, je suis toujours intéressé à faire avancer l'athlétisme et je veux laisser une marque. Je participe à la commission technique provinciale, j'ai développé un site web d'inscriptions aux compétitions d'athlétisme et je forme de nouveaux entraîneurs tout en continuant à entraîner les athlètes.
Tu as 39 ans. Ça te donne encore pas mal de temps...
Ça prend du temps avant d'atteindre la sagesse. Il faut en avoir vu des athlètes et des choses. On peut lire, on peut apprendre, mais ça prend aussi et surtout l'expérience du terrain.
#MerciCoach