Luguelin santos: ''je veux battre le record du monde!''
January 22, 2014
Montréal - En camp d'entraînement à Montréal depuis deux semaines et à 48 heures du Team Challenge de McGill, nous avons aujourd'hui eu le privilège de recevoir le médaillé olympique Luguelin Santos au bureau de la FQA. Accompagné par son entraîneur José Rubio et son agent Kris Mychasiw, le jeune phénomène du 400 mètres de la République Dominicaine, médaillé d'argent des Jeux olympiques de Londres à 18 ans et médaillé de bronze aux championnats du monde de Moscou à 19 ans, profitait d'une journée de congé pour visiter Montréal.
C'est un jeune homme fort sympathique que nous avons rencontré, assez timide et pas prétentieux pour deux sous.
Avec l'aide de M. Rubio comme interprète, Luguelin s'est gentiment prêté au jeu de l'interview et nous a permis de mieux connaître le champion qu'il est devenu.
Nous avons voulu d'abord savoir comment l'aventure de l'athlétisme avait commencé pour Luguelin. Les premières statistiques qu'on retrouve à son palmarès nous indiquent qu'il a couru le 400 mètres en 48.17 alors qu'il n'avait que 15 ans! Quelle était son expérience en athlétisme avant ce premier résultat connu?
«Je l'ai vu pour la première fois en 2008 lors des championnats scolaires de République Dominicaine», nous explique Rubio. À l'époque, il n'avait que 14 ans mais son talent était indéniable car il avait fait 50,5 sec, au 400 mètres et environ 1'58'' au 800 mètres. «J'avais déjà commencé à courir depuis environ trois ans», précise Luguelin. Mais je ne m'entraînais pas toute l'année.»
Provenant d'une famille modeste de Bayaguana, une petite ville en plein centre du pays, à 70 kilomètres de la capitale Santo Domingo, Luguelin préfère la course et les sports individuels au baseball. Dans un pays fou de baseball, le petit Santos préfère participer à des camps d'été où il s'intéresse à l'athlétisme. Et bien que son pays soit également celui d'un champion du monde du 400 mètres haies comme Félix Sanchez, son inspiration lui vient alors de ,,, son cousin!
Cette belle histoire a bien failli mal tourner dès le départ.
«Après les championnats scolaires de 2008, raconte José Rubio, nous avions rencontré ses parents et l'avions invité à déménager et venir s'entraîner à Santo Domingo avec l'équipe nationale junior. Je devais quitter le pays pour plusieurs semaines et accompagner notre équipe aux Jeux olympiques de Pékin. À mon retour, Luguelin était toujours au centre national mais il était rendu avec l'équipe de cyclisme!»
La fédération cycliste avait donc l'oeil sur Santos et un chèque envoyé à sa famille avait eu pour effet de l'attirer vers le vélo. Mais durant l'automne 2008, Santos habitait encore à 100 mètres du stade et passait presque tous les jours à la piste d'athlétisme pour les entraînements. Après quelques jours, le chat sortait finalement du sac: «Je veux être ici, je ne veux plus plus faire de cyclisme.» Rubio s'est donc rendu à la rencontre du président de la fédération cycliste, qu'il a convaincu que la place de Luguelin était avec l'équipe d'athlétisme.
«J'ai réalisé en 2008 que mon désir le plus fort était d'aller aux Jeux olympiques.Mais j'avais vécu mon moment le plus important lorsque j'ai gagné ma première médaille dans une compétition nationale en 2007.» Luguelin Santos n'avait alors que 14 ans et il avait déjà envie de devenir un grand athlète. Dès lors, sa progression fut celle d'une météorite.
En 2009, il conclut la saison avec un meilleur temps de 47.88 lors des championnats Pan Am juniors, mais loin derrière le champion, un certain Kirani James, de la Grenade. L'année suivante, il s'amène à Moncton pour une première participation aux Mondiaux juniors: «Je me sentais confiant, j'étais en bonne forme, mais j'étais très nerveux. Je n'avais que 17 ans et je ne savais trop à quoi m'attendre.» Luguelin termine sixième à Moncton et conclut la saison 2010 avec un chrono de 46.19 qui le classe 12e junior au monde.
La reconnaissance dans son pays n'est pas arrivée après cette sixième place à Moncton mais après les Jeux olympiques Jeunesse à Singapour, où il remporte la médaille d'or en 47.11. «Cette médaille d'or a fait une grande différence pour moi. À mon retour, le gouvernement m'a récompensé en me donnant un appartement!» Luguelin a alors transféré la propriété à ses parents à Bayaguana.
La suite de l'histoire de Luguelin Santos est un enchaînement de grandes performances digne d'un conte de fées. Médaille d'argent aux Jeux panaméricains à Guadalajara (Mexique) en 2011 (44.71), médaille d'or aux Mondiaux juniors à Barcelone (44.85) en 2012. «À Barcelone, j'étais bien confiant de pouvoir gagner. Mais après ma course, j'étais fâché de ne pas avoir battu le record des championnats juniors.»
Il faut dire que depuis le début de la saison 2012, Luguelin Santos était devenu le tombeur des stars mondiales du 400 mètres. Deuxième à Doha (44.88) derrière LaShawn Merritt, il signait ensuite la troisième performance mondiale de l'année à la fin du mois de mai à Hengelo avec un record personnel de 44.45.Quelques jours plus tard, il devance Jeremy Wariner au Grand Prix de New York.
Mais un champion du monde junior pouvait-il gagner une médaille olympique? Bien des experts en doutaient. En finale olympique, à Londres, le jeune de 18 ans n'avait aucun complexe et remportait la médaille d'argent (44.46), devancé seulement par le non moins phénoménal Kirani James, qui était à un mois de ses 20 ans.
Une médaille olympique, ça change quoi pour un jeune de 18 ans? «Moi, je n'ai pas changé. Je suis le même gars et je continue à m'entraîner avec les mêmes buts, c'est-à-dire de m'améliorer chaque année.» Ce qui change évidemment, c'est la notoriété dans son pays et le regard des autres. Ce sont aussi les questions que les gens vous posent: «Il y a les questions qu'on aime moins, comme qu'est-ce que tu manges? Es-tu marié? Je préfère qu'on me demande quels sont mes buts en athlétisme maintenant que je suis médaillé olympique.»
Et alors? «Je veux battre le record du monde, dit Luguelin. Et ensuite? Remporter la médaille d'or olympique.»
Quels seraient les éléments les plus importants à travailler pour battre le record de Michael Johnson (43.18) ? «J'ai encore besoin d'expérience et de mieux sortir au premier 200 mètres, dit Santos. Puis, il s'arrête et réfléchit quelques secondes avant d'ajouter, idéalement, je devrais être confortable entre 20.90 et 21.10.»
Ce ne sera pas facile. Luguelin a connu une saison post-olympique particulière. «Après les quatre semaines de vacances suivant les Jeux olympiques, nous avons repris l'entraînement normalement», explique José Rubio. Mais après le premier cycle de deux mois d'entraînement, il était fatigué et n'avait visiblement pas récupéré. Les célébrations, les réceptions, tout ça lui causait des problèmes.»
La médaille olympique n'avait peut-être pas changé Luguelin, mais elle lui attirait beaucoup de nouveaux amis. Dur à gérer quand on n'a que 19 ans.
Malgré un début de saison 2013 étincelant au Drake Relays (44.74), la saison estivale n'a pas été facile et les problèmes persistaient. «Nous avons dû faire du rattrapage à l'entraînement et corriger bien des choses», admet Rubio. Incapable de courir sous les 45 secondes jusqu'à ce qu'il arrive à Moscou, Santos ne semblait pas aussi confiant et enthousiaste qu'avant les Jeux olympiques.
«Je me suis assis avec lui, dit Rubio. Et je lui ai demandé s'il voulait encore gagner. Je veux que tu sois le Luguelin de 2012, et pas seulement sur la piste, que je lui ai dit.» Faut croire que le message est bien passé. Santos remportait la médaille de bronze à Moscou, avec son meilleur chrono de la saison en 44.52 sec.
Luguelin Santos n'est pas aussi grand et élancé qu'un Kirani James. Pas aussi fort qu'un Lashawn Merritt, ou ni aussi costaud qu'un Michael Johnson. Quelle seraient donc ses principales qualités? «Je dirais que je suis très sérieux à l'entraînement et que j'ai beaucoup de détermination à l'entraînement et dans mes courses.» José Rubio en rajoute: «Luguelin s'entraîne très fort et il n'y a pas grand chose qu'il ne peut faire à l'entraînement. Lorsqu'il n'est pas satisfait d'une partie de l'entraînement, il est souvent prêt à la reprendre.»
Quelles sont tes premières impressions de Montréal? «À part le grand froid, j'ai bien aimé ma première poutine!»
LG
LUGUELIN SANTOS, né le 12 novembre 1993 1m73/ 61 kg |
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2008 | 50,5 | 14 ans | |
2009 | 48.17 | 15 ans | Santo Domingo |
2009 | 47.88 | 15 ans | Santo Domingo |
2010 | 47.84 | 16 ans | Santo Domingo |
2010 | 47.44 | 16 ans | Santo Domingo |
2010 | 47.22 | 16 ans | San Salvador |
2010 | 47.18 | 16 ans | Barquisimento |
2010 | 46.19 | 16 ans | Santo Domingo |
2011 | 45.97A | 17 ans | Bogota |
2011 | 45.41A | 17 ans | Jeux Panaméricains, Guadalajara |
2011 | 44.71A | 17 ans | Jeux Panaméricains, Guadalajara |
2012 | 44.45 | 18 ans | Hengelo |
2012 | 44.46 | 18 ans | Jeux olympiques, Londres |
2013 | 44.52 | 19 ans | Championnats du monde IAAF, Moscou |
En salle 2013 |
46.79 | 19 ans | Stockholm |