Les grandes figures de l'athlétisme québécois (7/8)
January 11, 2021
Tina Poitras, Carole Rouillard, Christine Slythe, Hank Palmer, Bruno Pauletto et Charles Philibert-Thiboutot
Par Denis Poulet, Responsable du comité des records, FQA
Tina Poitras
Au milieu des années 1990, Tina Poitras était la meilleure marcheuse canadienne. Elle remporta trois titres nationaux consécutifs au 10 km marche, de 1995 à 1997. Elle avait déjà gagné ce championnat en 1991, ce qui lui avait permis d'amorcer un beau parcours dans les grands rendez-vous mondiaux. Elle participa ainsi à deux Jeux olympiques (1992 et 1996) et trois Championnats du monde (1991, 1993, 1995). Ses deux meilleurs résultats furent une 21e place à Barcelone (JO 1992) et à Göteborg (Mondiaux 1995), mais on retiendra aussi sa 6e place au 10 000 m marche des Jeux mondiaux universitaires de 1993 à Buffalo.
Plus de 20 ans après sa retraite, Tina détient toujours deux records canadiens et sept records québécois. En 1991, elle battait pour la première fois le record du Québec du 10 km marche, qui appartenait jusque-là à Pascale Grand. De 46:47 min, elle abaissera ce record à 45:02 min après l'avoir amélioré cinq fois. C'est toujours le record du Québec et la 2e performance canadienne de tous les temps.
Carole Rouillard
Carole Rouillard a brillé comme coureuse de fond et de demi-fond, démontrant une grande polyvalence. Dans les classements des 10 meilleures Québécoises de tous les temps, son nom apparaît dans pas moins de sept épreuves, du 1000 m au marathon. Elle détient toujours le record du Québec sénior du 10 000 m, soit 31:56,74 min aux Championnats du monde de 1991 à Tokyo.
Son plus beau titre de gloire est certainement sa victoire au marathon des Jeux du Commonwealth de 1994 à Victoria, en Colombie-Britannique : son temps de 2:30:41 h la situe au 10e rang des meilleures marathoniennes canadiennes de l'histoire (en 2019). Carole en était alors à ses troisièmes Jeux du Commonwealth : elle s'était classée 8e au 10 000 m des Jeux de 1986 et 4e dans la même épreuve à ceux de 1990. Elle a aussi participé à deux Jeux olympiques, 1988 à Séoul et 1992 à Barcelone, inscrivant son meilleur résultat à sa première expérience, soit 16e du 10 000 m.
Carole a été championne canadienne du 10 000 m à cinq reprises, de 1986 à 1991, et a gagné quatre fois le Marathon de Toronto, de 1991 à 1995. Elle peut aussi s'enorgueillir d'une médaille d'or aux Jeux du Canada, au 800 m, alors qu'elle n'avait que 20 ans.
Titulaire de trois records du Québec actuels (10 000 m sénior, demi-marathon sénior et 800 m en salle juvénile), Carole a aussi battu le record du 3000 m à quatre reprises en 1985 et 1986, et a détenu le record du 5000 m de 1989 à 2003. Elle fut l'athlète sénior de l'année au Québec en 1994.
Christine Slythe
Christine Slythe s'est manifestée dans les années 1980 comme une excellente coureuse polyvalente, un peu à la manière de Francine Gendron quelques années auparavant. Elle s'est en effet distinguée au 400 m et au 400 m haies, et, en salle comme en plein air, sur des distances allant du 600 m au 1500 m. Elle a participé à deux Jeux olympiques, ceux de 1984 à Los Angeles et de 1988 à Séoul; dans le premier cas, elle représentait le pays au 800 m (éliminée en demi-finale); dans le second, elle était inscrite au 400 m haies, où elle ne franchit pas le premier tour. Aux Jeux panaméricains de 1983, au Venezuela, elle récolta une médaille d'argent à titre de partante du relais 4 x 400 m, en compagnie de Gwen Wall, Charmaine Crooks et Jillian Richardson.
Christine a remporté trois médailles d'argent aux Championnats canadiens : deux au 400 m haies (1982, 1988) et une au 800 m (1983). Dans cette dernière épreuve, son record personnel officiel est de 2:03,0 min (1983), mais elle est venue bien près de briser la barrière des 2 minutes le 11 juillet 1984 quand elle a bouclé les deux tours de piste en 2:00,4 min. La Fédération québécoise reconnut cette marque comme record du Québec manuel même s'il s'agissait d'une course mixte dans une compétition au crépuscule.
En salle, par contre, les solides performances de Christine se sont traduites en records durables. Elle détient toujours les records séniors du 600 m et du 1500 m. Son record du 800 m, 2:04,55 min en 1984, n'a été battu qu'en 2019 et celui du 1000 m, 2:41,22 min en 1985, ne l'a été qu'en 2020.
Hank Palmer
Dans les années 2000, Hank Palmer a maintenu le flambeau de l'excellence québécoise en sprint masculin. Son parcours montre une progression remarquable. Il détient toujours les records québécois du 80 m U14, du 100 m U15, du 100 m et du 200 m U20, et du 200 m U23. Le 30 novembre 2002, à McGill, il courait un 200 m en salle en 21,76 s, record du Québec U16 et U18 et record canadien U16.
De sa carrière qui s'échelonne sur une quinzaine d'années, on retiendra surtout sa 4e place au 200 m des Mondiaux juniors de 2004 en Italie, ainsi que sa contribution aux succès du relais 4 x 100 m canadien aux Jeux olympiques de 2008 à Pékin et aux Mondiaux de 2009 à Berlin; dans les deux cas, le Canada s'est classé 5e.
Hank présente une moyenne de 10,31 s pour ses 10 meilleures performances au 100 m et de 20,88 s au 200 m. Pratiquement dans chaque groupe d'âge, il a été choisi le meilleur athlète québécois de l'année, récoltant un total de neuf trophées Athlétas.
Bruno Pauletto
Seul lanceur de poids québécois de l'histoire à plus de 20 mètres, Bruno Pauletto mérite de sortir de l'ombre. Né en Italie, il a grandi à Sept-Îles et c'est là qu'il a découvert l'athlétisme en 1972. L'année suivante, Bruno se signalait en remportant le poids aux Championnats de l'Est du Canada, au Nouveau-Brunswick, ce qui lui valait d'être sélectionné dans l'équipe canadienne junior en partance pour le Portugal. À son retour, il déménage à Montréal et atteint les 15 mètres pour la première fois en 1974. En 1975, il part aux États-Unis (Central Michigan University) parfaire sa technique et gagne sa première médaille au Championnat canadien, en bronze (16,41 m). Cependant, le standard olympique permettant d'accéder aux Jeux olympiques de Montréal est encore trop élevé pour lui, même s'il a progressé à 18,30 m en 1976.
Loin de se décourager, le voilà à 19,86 m en 1977. Cette performance lui vaut une sélection pour la Coupe du Monde en tant que représentant des Amériques; à Düsseldorf, il se classe 5e (18,30 m). Et aux Jeux mondiaux universitaires, en Bulgarie, il termine 4e (18,03 m). Cette année-là, il compte trois performances à plus de 19 mètres en plein air. En 1978, il remporte le championnat universitaire en salle de la NCAA, aux États-Unis (19,53 m), ainsi que son premier titre national, à Sherbrooke (18,66 m). Aux Jeux du Commonwealth, à Edmonton, il monte sur la deuxième marche du podium grâce à un jet de 19,33 m.
Bruno atteint les 20 mètres pour la première fois en 1979 : 20,16 m en Californie le 28 avril. Dès lors, sa carrière va se poursuivre avec d'autres succès, qui vont culminer avec une médaille d'or aux Jeux du Commonwealth de 1982, à Brisbane, en Australie (19,55 m). En 1980, il avait reconquis son titre national (20,33 m) et aurait dû se rendre aux Jeux olympiques de Moscou, mais, comme bien d'autres têtes d'affiche canadiennes, il fut victime du boycottage ordonné par le Canada et dut rester à la maison. En 1983, il remporta son troisième titre national (19,80 m); cette année-là, il a effectué cinq jets à plus de 20 mètres.
Bruno a malheureusement évolué dans l'ombre de Bishop Dolegiewicz, venu s'installer au Québec en 1975 en vue des Jeux de Montréal. Le colosse d'origine ontarienne a dominé la scène canadienne (et québécoise) jusqu'au milieu des années 1980. En 1990, Dolegiewicz avoua à la Commission Dubin sur le dopage dans l'athlétisme canadien qu'il avait fait usage de produits dopants une bonne partie de sa carrière. Tous ses résultats et records furent annulés au niveau national, mais ce n'est qu'au milieu des années 1990 que la Fédération québécoise remplaça le record du Québec en plein air de Dolegiewicz par les 20,61 m de Bruno réalisés aux États-Unis en 1983. La Fédération supprima aussi le record en salle de Dolegiewicz, mais le remplaça par une marque beaucoup plus faible (16,35 m par Apostolos Drogaris en 1999); ce n'est qu'en 2014 que le Comité des records de la Fédération tira des oubliettes la performance de 20,02 m de Bruno réalisée le 29 février 1980 aux Championnats en salle des États-Unis à New York. Et si on enlevait à Dolegiewicz toutes ses médailles aux Championnats canadiens, Bruno pourrait présenter un impressionnant tableau de quatre médailles d'or et une d'argent à ces championnats.
Charles Philibert-Thiboutot
Bien qu'elle ne soit pas terminée, Charles Philibert-Thiboutot a eu une carrière épatante et hors de l'ordinaire pour un athlète québécois. Comme tous les grands coureurs de demi-fond, notamment son prédécesseur Dave Hill dont il a battu tous les records, Charles a su faire preuve d'une grande polyvalence sur la piste, allant même jusqu'à faire quelques incursions sur la route et en cross-country.
C'est au 1500 m qu'il s'est le plus démarqué, y représentant le pays dans les grands rendez-vous auxquels il a participé. Son record de 3:34,23 min sur cette distance, réalisé à Monaco en 2017 dans une épreuve de la Diamond League, montre de quoi il était capable. La moyenne de ses 10 meilleures performances au 1500 m est d'ailleurs impressionnante : 3:36,85 min. Charles a également excellé au mille où, en 2015, il a obtenu un chrono de 3:54,52 min. L'année suivante, il a encore fait mieux sur route, atteignant 3:52,50 min. Puis, en 2017, il réalisait 3:53,33 min sur cette distance mythique, mais en salle. Au total, Charles a couru huit fois le mille en moins de 4 minutes.
Voyons maintenant ses résultats en grande compétition internationale. Son plus grand succès fut probablement sa 4e place au 1500 m de la Coupe continentale de 2018, où il représentait les Amériques, mais sa médaille de bronze aux Jeux panaméricains de 2015 à Toronto est aussi digne de mention. Aux Mondiaux de 2015, à Pékin, Charles a franchi le premier tour avec succès, puis s'est classé 10e de sa demi-finale en 3:39,62 min. Aux Jeux olympiques de 2016, à Rio, il a fait un peu mieux en demi-finale, terminant 8e en 3:40,79 min.
Sur la scène nationale, Charles a été champion canadien du 1500 m trois fois (2016, 2017, 2018), après avoir obtenu l'argent en 2014 et 2015. Il a aussi obtenu la médaille de bronze du Championnat de cross à deux reprises, en 2015 et 2017. Il détient neuf records séniors du Québec et a été choisi athlète de l'année sénior cinq fois de suite, de 2014 à 2018. Dans les classements des 10 meilleurs Québécois de tous les temps, il est présent dans huit épreuves en plein air et quatre en salle, dominant au 1500 m et au mille dans les deux cas. Au 1000 m, il est 2e en plein air et 1er en salle. Au 3000 m, il est 1er en plein air. Au 5000 m, il est 2e en plein air et 1er en salle. Au 10 000 m enfin, il est 3e en vertu d'un chrono de 28:45,42 réalisé à Vancouver le 21 novembre 2020.
Fiche Charles Philibert-Thiboutot
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