Les grandes figures de l'athlétisme québécois (8/8)
16 février, 2021
Hilda Strike – Geneviève Thibault – Rosella Thorne
Martin St-Pierre – Bruny Surin – Achraf Tadili
Par Denis Poulet
Hilda Strike
Aux Jeux olympiques de Los Angeles, le 2 août 1932, la Montréalaise Hilda Strike se retrouve en finale du 100 m. Elle est dans le 3e couloir et prend le meilleur départ. Talonnée par la Polonaise Walasiewicz et l'Américaine Wilhelmina Von Bremen, elle mène par 1,5 m à mi-course. Ce n'est qu'à 15 m de l'arrivée que Walasiewicz la double pour la coiffer sur le fil. Les deux sont chronométrées en 11,9 s, ce qui égale le record du monde, mais ce temps ne sera pas homologué. Cette finale n'est pas sans rappeler celle du 100 m masculin des Championnats du monde de 1999 où Bruny Surin, en tête à mi-parcours, s'est fait remonter, mais a tout de même gagné une superbe médaille d'argent.
L'exploit d'Hilda Strike aux Jeux de 1932 est considérable dans l'histoire de l'athlétisme québécois. De plus, on a su, près de 50 ans plus tard, que Walasiewicz était hermaphrodite, ce qui l'aurait alors disqualifiée et aurait permis à la Montréalaise de récupérer l'or. Ce n'est pas arrivé.
Hilda est repartie de Los Angeles avec une autre médaille d'argent, gagnée au relais 4 x 100 m. Deux ans plus tard, aux Jeux de l'Empire (futurs Jeux du Commonwealth), à Londres, elle gagnera encore deux médailles d'argent : au 100 verges (11,5 s) et au relais medley, curieuse épreuve de tour de piste partagée en trois segments (110 v – 220 v – 110 v).
Hilda Strike a été honorée plusieurs fois comme athlète canadienne remarquable : athlète féminine de l'année en 1932, intronisée au Temple de la renommée olympique en 1964 et intronisée au Panthéon des sports du Canada en 2016. Tout dernièrement, en juillet 2019, Athlétisme Canada l'a admise à son propre Temple de la renommée à titre de membre posthume.
Geneviève Thibault
Au cours des années 2000, Geneviève Thibault s'affirma comme sprinteuse de premier plan, avec en plus un joli talent sur les haies. En juillet 2005, elle réussit l'exploit de remporter trois titres aux Championnats canadiens juniors, disputés au Centre Claude-Robillard : le 100 m, le 200 m et le 100 m haies. L'année suivante, elle fut championne canadienne sénior du 100 m, réalisant un record personnel de 11,47 s, 4e performance québécoise de tous les temps. En 2007, elle conquit le premier de ses deux titres universitaires canadiens au 60 m en salle; la deuxième fois, ce fut en 2009, alors qu'elle établit un record universitaire et un record du Québec en 7,31 s. Son plus beau fleuron sera toutefois sa médaille d'or au 100 m des Jeux de la Francophonie à Beyrouth, au Liban, en 2009.
Geneviève a établi des records du Québec dans chaque groupe d'âge et, au 100 m, elle détient toujours le record junior en 11,55 s (2005). Elle a reçu cinq trophées Athlétas. Après sa retraite de l'athlétisme en 2010, à 24 ans, elle s'est convertie au bobsleigh, où elle a connu de beaux succès sur la scène internationale, manifestant la même combativité que dans le stade.
Rosella Thorne
La Montréalaise Rosella Thorne a fait sa marque à la fin des années 1940 et au début des années 1950, faisant preuve d'une belle polyvalence. La sprinteuse qu'elle était excellait sur les haies et à la longueur, en plus de courir le 100 verges ou, comme aux Jeux olympiques de 1952, le 100 mètres.
Championne canadienne du 80 m haies en 1948 et 1949, elle sera championne de la longueur en 1953. En 1950, elle participe à ses premiers Jeux de l'Empire (qui deviendront les Jeux du Commonwealth) en Nouvelle-Zélande, inscrite dans les trois épreuves. Son meilleur résultat est une 7e place à la longueur. Aux Jeux olympiques de 1952, en Finlande, elle ne franchit pas le premier tour du 100 m, éliminée en 12,5 s. Aux Jeux de l'Empire de 1954, à Vancouver, elle obtient son meilleur résultat en compétition internationale, une 4e place à la longueur, en vertu d'un bond à 5,44 m, à 2 cm de son record personnel, établi en 1950.
Martin St-Pierre
Martin St-Pierre apparaît dans l'ombre des plus illustres marcheurs québécois que furent Marcel Jobin et Guillaume Leblanc, mais son palmarès reste enviable. Il a commencé à se distinguer dès l'âge de 17 ans, établissant en 1989 un record du Québec juvénile de 13:20,38 min au 3000 m marche, marque qui ne sera battue qu'en 1994. En 1992, il décroche une première médaille d'argent au 20 km marche des Championnats canadiens, derrière le fameux Tim Berrett. Le scénario se renouvellera en 1993 et 1994, mais en 1995, Martin devance Berrett et gagne le titre. Entre-temps, en 1993, il remporte la médaille d'or du 10 km marche des Jeux du Canada.
Aux Jeux de la Francophonie de 1994, à Paris, Martin gagne la médaille de bronze du 20 km marche et, un mois plus tard, se classe 5e du 30 km marche des Jeux du Commonwealth, à Victoria. L'année suivante, il termine 5e du 20 km marche des Jeux panaméricains, en Argentine, puis, en Suède, aux Mondiaux auxquels il participe pour la première fois, se classe 16e. L'année suivante, à Atlanta, il représente le pays aux Jeux olympiques : résultat, une honorable 36e place au 20 km marche (sur 55). Oui vraiment, un palmarès enviable!
Bruny Surin
Le palmarès de Bruny Surin est celui d'un formidable athlète canadien, tous sports confondus. Bruny a fait de très grandes choses dans les années 1990 : deux fois champion du monde en salle au 60 m (1993 et 1995); médaille d'or aux Jeux olympiques d'Atlanta de 1996 au sein du fabuleux relais canadien 4 x 100 m; médaille d'argent du 100 m aux Mondiaux de 1995 à Göteborg et aux Mondiaux de 1999 à Séville; six fois champion canadien du 100 m (1989, 1990, 1991, 1998, 1999, 2000).
Bruny a participé à trois Jeux olympiques et à 12 Championnats du monde (6 en plein air et 6 en salle). Dans ces 15 événements du plus haut niveau, il a été finaliste 15 fois (incluant les relais). Il y a récolté six médailles (5 or, 2 argent, 1 bronze). Son temps de 9,84 s aux Mondiaux de 1999 est toujours le record canadien, qu'il partage avec Donovan Bailey; et il le classe au 11e rang des meilleurs sprinters de tous les temps dans le monde.
La moyenne de ses 10 meilleures performances au 100 m est épatante : 9,956 s; sept fois il a couru la distance en moins de 10 s. Au 200 m, sa moyenne est plus qu'honorable : 20,474 s, incluant cinq chronos à moins de 20,5 s. Au 60 m en salle, Bruny compte neuf chronos à 6,50 s ou moins, dont son record canadien de 6,45 s, établi en France en 1993
Bruny fut aussi le premier Québécois à dépasser les 8 mètres au saut en longueur (8,03 m en 1987). Il détient actuellement (2020) deux records canadiens (100 m sénior et 60 m en salle sénior) et six records du Québec.
Plusieurs institutions ont reconnu sa valeur et ses exploits : le Panthéon des sports du Québec (2004), le Panthéon des sports canadiens (2008), le Temple de la renommée olympique du Canada (2010) et le Temple de la renommée d'Athlétisme Canada (2012). La Fédération québécoise d'athlétisme l'a choisi athlète sénior de l'année sept fois consécutives (de 1993 à 1999) et a célébré l'ensemble de ses accomplissements en lui attribuant son prestigieux trophée Hommage en 2016.
Achraf Tadili
D'origine marocaine, Achraf Tadili s'est entièrement développé au Québec pour devenir l'un des meilleurs coureurs de 800 m canadiens de l'histoire. À 20 ans, il remportait son premier titre national en 1:45,48 min; il sera de nouveau champion canadien en 2006 et médaillé d'argent cinq fois de 2003 à 2008, toujours derrière son grand rival Gary Reed.
Achraf a participé à trois Championnats du monde (2003, 2005 et 2007) et à deux Jeux olympiques (2004 et 2008), sans toutefois y performer à la hauteur de son talent. C'est plutôt aux Jeux panaméricains et aux Jeux du Commonwealth qu'il a connu ses meilleurs moments. Aux Panam de 2003, à Saint-Domingue, il réalisa le 800 mètres de sa vie : une course rapide où il s'est d'abord retrouvé en queue de peloton, mais a remonté toute la concurrence pour finir fort en 1:45,05 min, record des Jeux, canadien et québécois. Cette médaille d'or fut l'une des deux jamais remportées par des Québécois à ces Jeux (l'autre fut celle du sauteur en hauteur Kwaku Boateng en 1999).
L'autre exploit d'Achraf se produisit aux Jeux du Commonwealth de 2006, à Melbourne. Selon son habitude au premier tour de piste, le Québécois, seul Canadien en finale, a décidé de suivre le train même si la course était lente (54 s au passage des 400 mètres). C'est alors qu'il a attaqué, filant en tête à 300 m de l'arrivée, avec deux Kenyans sur les talons. Au sortir du dernier virage, Kipchirchir, nettement plus fort, le doublait en compagnie de Litei, mais Achraf, loin de flancher, s'est accroché, revenant deuxième à la corde dans les derniers mètres pour arracher une superbe médaille d'argent.
Pour avoir une bonne idée du niveau d'excellence d'Achraf, signalons que la moyenne de ses 10 meilleures performances au 800 m est de 1:45,33 min. Il a aussi couru un 400 m en 46,34 min en 2003 (en France), 3e performance québécoise de tous les temps.
Fin de la série