Aiyanna stiverne, la mystérieuse ''québécoise''
28 juillet, 2017
Par Laurent Godbout
Montréal (28 juillet) - Elle est toute petite, elle a couru le 400 mètres en 52.00 secondes, ne réside pas au Québec et possède un passeport canadien. Et pourtant, elle sera avec Annie Leblanc seulement l'une des deux athlètes affiliées au Québec au sein de l'équipe canadienne des prochains championnats du monde à Londres. Cette mystérieuse athlète, c'est Aiyanna-Brigitte Stiverne.
Née en Floride en février 1995, l'athlète domiciliée à Miami est la fille du montréalais Jean Stiverne. Comme tant d'autres athlètes canadiens et des dizaines un peu partout dans le monde, elle détient la double citoyenneté. L'histoire commence lorsque son père obtient une bourse d'études pour jouer au football universitaire avec les Hurricanes de Miami.
Après sa carrière universitaire, Jean Stiverne s'installe et gagne sa vie en Floride. Quelques années plus tard, sa fille Aiyanna pratique l'athlétisme au «high school» de son coin, à Plantation.
Un jour, papa Stiverne entre en contact Ronald Morency, un montréalais d'origine haïtienne comme lui, pour lui demander quelques conseils sur l'entraînement. Morency, un entraîneur d'athlétisme à la retraite qui a été longtemps actif au Québec et en Écosse, décide d'aller visiter les Stiverne et rencontre la jeune fille.
«Au début, j'allais faire un tour pour les vacances et j'en profitais pour aller voir comment les choses se passaient là-bas pour elle», explique Morency. À 15 ans, Aiyanna pratiquait l'athlétisme à son école secondaire et son entraîneur lui faisait faire un peu de tout, même du cross-country. À sa dernière année au secondaire, nous avons commencé à mettre l'emphase sur le sprint, avec un entraînement plus précis.»
Appelé à intervenir plus directement dans le développement d'Aiyanna, Morency entre en contact avec un ancien athlète qu'il connaissait, le Jamaïcain Davian Clarke. Médaillé de bronze du relais 4 x 400 mètres à Atlanta et membre de l'équipe nationale de Jamaïque pendant plus de 10 ans, Clarke était alors entraîneur à l'université du Texas à El Paso (UTEP).
«Ça n'a pas été facile, mais nous avons réussi à le convaincre de prendre Aiyanna à UTEP avec une bourse d'études», explique Morency.
De Montréal, Morency a continué à suivre la carrière de sa nouvelle protégée au Texas. En 2014, elle court le 400 mètres en 54.10 aux championnats juniors des États-Unis. Sélectionnée au relais 4 x 400 mètres de l'équipe américaine pour les championnats du monde juniors à Eugene, elle ne sera pas appelée à courir avec le relais.
«Il y a eu un problème avec un des entraîneurs de l'équipe américaine aux mondiaux juniors et l'affaire a même été traitée par la fédération américaine (USATF). Suite à ces événements, nous avions le sentiment que la vie serait plus difficile pour elle à l'avenir avec des équipes américaines.»
Une carrière avec le Canada
En plus de reconnaître que le niveau très élevé des épreuves de 200 et 400 mètres aux États-Unis limitait ses possibilités, Aiyanna voyait bien que sa double citoyenneté lui permettait d'envisager des opportunités plus intéressantes de représenter le Canada dans des compétitions internationales. Vers la fin de l'année 2014, elle prenait les dispositions pour prendre son passeport canadien et participait aux championnats canadiens 2015 à Edmonton avec l'espoir de représenter le Canada aux Mondiaux de Pékin.
En plus de vouloir représenter le Canada, la nouvelle Québécoise voulait se rapprocher de Miami. Elle quittait UTEP pour se joindre aux Hurricanes, la même université que son père! «Beaucoup d'athlètes avaient des problèmes respiratoires à El Paso et nous pensions qu'elle serait mieux de revenir en Floride», explique Morency.
Aux championnats du monde à Pékin
«Il y a eu en 2015 un effet de surprise, dit Ronald Morency. Durant l'été, tout s'est bien passé et elle a été sélectionnée pour les championnats du monde de Pékin. Après les championnats canadiens où elle avait terminé troisième avec son meilleur temps de l'année (52.43), il a fallu qu'elle gagne ensuite sa place sur le relais lors d'un test de 300 mètres.»
Une fois la confiance des entraîneurs de l'équipe gagnée, Stiverne participa aux deux rondes du 4 x 400 mètres et le Canada terminait 7ème en finale.
Au retour des Mondiaux de 2015, il était clair que l'objectif principal en 2016 allait être de faire l'équipe olympique pour Rio. Mais le scénario rêvée est devenu catastrophique en 2016.
«À Miami, les choses allaient bien mais je devais être prudent et intervenir occasionnellement, explique Morency. Aiyanna mesure 5'4'' et pèse 115 livres au maximum. Les mesures anthropométriques que nous avions nous incitaient à être
prudents. Ce qu'on demande parfois aux athlètes à l'entraînement pouvait être très exigeant. Il fallait être prudent.»
Aux championnats nationaux à Edmonton, la compétition finale de sélection pour les Jeux olympiques, Stiverne est faible et grippée, victime d'une météo instable et d'un virus contracté quelques jours avant...à Montréal!
«Elle n'était pas prête pour Edmonton, elle n'arrivait pas dans les temps aux entraînements, elle était lavée», dit Morency. Stiverne retourne à Miami démolie, en pleurs et affaiblie. «Elle était moralement et physiquement défaite. Normalement, elle compétitionne à 115 livres, mais elle n'en pesait que 110 aux championnats. En tant que coach, j'ai mangé la claque aussi.»
En 2017, le coach montréalais affirme avoir «resserré la vis» au niveau de la planification et Stiverne s'amenait au Québec seulement le plus tard possible à Montréal avant de se présenter à Ottawa en forme.
«Elle est arrivée à Ottawa dans de bien meilleures dispositions. Avec un temps de 52.00 secondes en banque, nous nous doutions que personne ne ferait de standard sur la piste molle à Ottawa. On voulait finir dans le top 4 pour assurer une place dans le relais». Le plan semble avoir fonctioné puisqu'Aiyanna terminait 4ème à Ottawa en 53.15 et fut par la suite sélectionnée pour les Mondiaux de Londres. Elle aura donc l'opportunité de représenter le Canada au 400 mètres et au relais 4 x 400 mètres.
Stiverne est présentement au camp de préparation de l'équipe en Espagne et Ronald Morency est confiant qu'elle connaîtra bon championnat mondial.
À quel niveau de performance peut-on s'attendre? «Le temps c'est une chose, répond l'entraîneur, mais le bien-être de l'athlète est un facteur bien plus important vers le résultat. Comme on dit, si on tourne le coin comme il faut, ça va bien aller.»