Gabriella duclos-lasnier tourne la page
4 avril, 2015
Par Laurent Godbout
SHERBROOKE - La retraite sportive fait partie, comme tout le reste, du plan de carrière d'un athlète. Mais cette ultime étape n'est pas pour autant facile à franchir. Comme une barre qu'elle observait avant de prendre sa course d'élan, Gabriella Duclos-Lasnier contemplait ce moment comme un saut vers l'inconnu.
«C'est une grosse décision, après 12 ans d'athlétisme, je tourne la page, explique Gabriella. Depuis mes débuts, j'avais deux buts à atteindre: «performer» en athlétisme et devenir médecin». La conjugaison des deux activités depuis son entrée en faculté de médecine à l'automne 2014 devenait de plus en plus difficile.
«Je suis une perfectionniste. Avec les études en médecine, il était de plus en plus difficile pour moi d'être aussi concentrée sur la performance. De plus, j'ai eu de nombreux problèmes avec mon genou. J'ai déjà été opérée deux fois avant que l'usure osseuse ne continue à me nuire. Je ne suis jamais revenue à 100% de ces opérations.»
Les débuts
Après la gymnastique, Gabrielle se tournait vers l'athlétisme à 16 ans. «J'ai commencé en sprint. Je courais des 60 mètres, 200, 60 haies et je faisais la hauteur. J'avais la chance d'être à Québec et de pouvoir m'entraîner avec les athlètes du Rouge & Or. C'est Jean Lépine qui m'a d'abord initié au saut à la perche. Ç'a a cliqué tout de suite. Le côté acrobatique, qui ressemble à la gymnastique, me plaisait beaucoup.»
Dès la saison en salle 2004, Gabriella montait, montait, jusqu'à ce qu'elle soit invitée par la Fédération aux Jeux Scolaires d'athlétisme à Tours en France. «Là, j'ai vraiment eu la piqure et j'ai bien vu les opportunités que le sport pouvait m'offrir.»
Une année et demi plus tard, alors qu'elle en catégorie juvénile, elle est déjà sélectionnée pour les Mondiaux Jeunesse 2005 au Maroc.«C'était ma première expérience internationale et j'étais très impressionnée. J'en ai même été déstabilisée. J'avais sauté 3,70 mètres et j'étais éliminée sans pouvoir aller en finale. J'étais déçue et je me suis alors jurée que plus jamais je n'allais rater une finale». Au cours de la même saison, Gabriella remportait la médaille d'argent aux Jeux du Canada à Régina.
Le père de Gabriella avait entrepris des démarches pour lui obtenir une bourse d'études à l'université de l'Arizona. «Mon entraîneur Jean Lépine était déçu que je parte mais il y avait de bonnes perchistes là-bas et j'allais y poursuivre des études en physiologie humaine qui pourraient me mener vers la médecine. Je suis une personne aventurière et j'étais attirée par la découverte d'un nouvel endroit. Ça n'a pas été facile au début, j'avais 17 ans et je pleurais tous les soirs. Je me suis adaptée, et après les moments difficiles, j'ai beaucoup aimé l'Arizona. Je m'y suis fait des amis et ça été une belle expérience.»
Au terme de la première année, elle avait haussé son record personnel à 4,06 mètres. «Au début, je n'avais pas une bourse complète, mais les choses ont changé après ma première année.»
À l'été 2006, elle participe aux championnats du monde juniors à Beijing en Chine et termine 9e avec un saut de 4,00 mètres. En 2007, elle remporte plusieurs victoires sur le circuit universitaire américain et atteint les 4,20 mètres, ce qui constituait alors un record canadien junior. Elle termine 10e aux championnats NCAA avec 4,05 mètres. et remporte la médaille d'argent des championnats panaméricains juniors au Brésil avec 4,16 mètres.
D'abord freinée par une fracture de stress au pied, elle doit renoncer à sauter en 2008. L'année suivante, sa dernière en Arizona, elle termine 4e des NCAA en salle et 7e en plein air. Elle remportait aussi la médaille d'argent aux championnats canadiens seniors. «J'avais le goût de rester en Arizona et j'avais aussi l'opportunité d'aller en Italie. Vitaly Petrov, l'ancien entraîneur de Serguei Bubka et qui était alors le coach de Yelena Isinbayeva, m'offrait de me joindre à son groupe d'entraînement en Italie. À l'été 2009, les choses allaient bien et j'ai terminé 5e des Jeux FISU en Serbie avec un record personnel de 4,30 mètres.»
Peu de temps après, Gabriella allait monter encore plus haut, atteignant 4,36 mètres lors d'une rencontre internationale à Barcelone. Cette performance, qui est demeurée sa meilleure à vie, elle en est encore très fière. «J'ai eu beaucoup de bons moments, mais je peux dire que ce soir-là, j'étais très heureuse. J'étais fière d'avoir surmonté ma fatigue et bien sauter.» Elle concluait la saison 2009 avec une médaille d'argent aux Jeux de la Francophonie à Beyrouth.
Séjour en Italie
À l'automne 2009, Gabriella se joint au groupe d'entraînement de Vitaly Petrov à Formia en Italie. «J'ai été rapidement confrontée à la mentalité russe. On me regardait en levant le nez. Tout était différent. Il fallait revoir ma forme de course, ma façon de présenter la perche. J'avais des patrons moteurs acquis qui étaient bien différents de ce qu'on attendait de moi.» Le réputé Petrov était selon Gabriella un entraîneur qui insistait plus sur la technique. «Disons que la philosophie russe ne collait pas trop à ma réalité nord-américaine, analyse-t-elle. Dans le temps, je ne le réalisais pas mais j'étais beaucoup trop influencée par sa réputation. La relation entre l'athlète et l'entraîneur est sacrée et ça n'était le cas entre nous.»
La période Petrov et le séjour en Italie vont durer un an et demi, sans résultats probants. Les changements demandés par le nouvel entraîneur semblaient difficiles à maîtriser. Malgré tout, Gabriella remportait le titre canadien à Toronto en 2010 et remportait le titre NACAC U23 en Floride. Qualifiée pour les Jeux du Commonwealth qui avaient lieu en octobre à Delhi en Inde, elle était frappée par la fièvre typhoïde. «J'ai commis l'erreur d'aller nager à la piscine après un entraînement, je crois que c'est là que j'attrapé le virus. J'ai compétitionné de peine et de misère. Je n'avais aucune énergie.»
Qui sont tes meilleures amies en athlétisme? «Il y en a beaucoup. Lors de ma première compétition internationale aux Mondiaux Jeunesse en 2005, j'ai connu Kimberly Hyacinthe, Isabelle Boudreau et Myriam Dumont-Breton. Nous nous surnommions le «Fantastic Four» et les trois sont encore mes amies.»
Après 12 ans d'athlétisme, que retient-elle de son expérience d'athlète? «Il faut profiter des occasions que le sport nous donne, dit-elle. Malgré les obstacles, il y a toujours quelque chose à apprendre, ça nous développe comme être humain. Ça m'a ouvert l'esprit.» Et si elle rencontrait aujourd'hui la jeune Gabriella qu'elle était au début de sa vie sportive, que lui dirait-elle? «Sur le plan technique, je conseillerais à une jeune sauteuse de bien travailler la technique dès le début. C'est très important. Pour le reste, je lui dirais; vas-y, pars à l'aventure.»