Historique des records du québec en plein air: les records séniors masculins
3 avril, 2018
Par Denis Poulet, responsable du Comité des records
Montréal - Voici donc le deuxième article de notre série sur l'évolution des records québécois au cours des dernières décennies. Aujourd'hui, les records séniors masculins, épreuve par épreuve.
100 mètres
Pour tout dire, un seul nom ressort nettement dans cette discipline, celui de Bruny Surin. Le médaillé d'argent des Championnats du monde de 1999 a amélioré le record à huit reprises de 1989 à 1999, le portant de 10,14 à 9,84. Avant Surin, le record électrique était à 10,23, appartenant à Marvin Nash. Or, c'est une performance non documentée, sans précision de lieu, de date et de vent. Aucune mention dans les statistiques canadiennes, où Nash apparaît pourtant crédité de 10,3 (manuel) à trois reprises en 1977, l'année du prétendu 10,23. Si on invalide ce record, alors Surin pourrait revendiquer trois autres marques, toutes en 1989 : 10,35, 10,28 et 10,25. Avant le 10,23 de Nash, on avait des records manuels au dixième de seconde. Claude Montminy a inscrit un remarquable 10,2 à la Superfrancofête de Québec en 1974.
200 mètres
Dan Biocchi (photo en titre) fut le premier sprinter québécois sous les 21 secondes avec 20,9 manuel en 1976, puis 20,99 électrique en 1978. Et vint Atlee Mahorn, cet athlète d'origine jamaïcaine développé en Ontario et passé au Québec en 1991. Sous les couleurs du club Vidéotron, Mahorn a fait passer le record à 20,78, 20,51 et 20,17 en 1991. Cette dernière performance fut réalisée en qualification aux Championnats du monde à Tokyo.
400 mètres
J'ai eu l'honneur de détenir le record durant trois ans, de 1969 à 1972, à 48,3. Serge Jeudy me l'a ravi par un dixième en 1972. Robert Raymond fut le premier à franchir les 48 secondes, soit 47,9 en 1974, puis 47,6 en 1975. Bruce Roberts fut, lui, le premier crédité du record électrique, soit 47,62 en 1978. Il perdra ce record aux mains d'André Thibault en 1982 (47,56 et 47,41), mais le reprendra en 1984 (47,21, puis 47,14). En 1993, Atlee Mahorn l'a finalement porté à 45,79. Par la suite, personne ne s'en est approché, sinon Alexandre Marchand, avec 46,12 en 1999.
800 mètres
Dave Hill, qui a dominé le demi-fond québécois tout au long des années 1970, a été le premier sous 1:50, réalisant 1:47,8 en 1977. Bruce Roberts a inscrit le premier record électrique en 1984 (1:46,53), puis vint Achraf Tadili avec un formidable 1:45,48 en 2001, à l'âge de 20 ans, record qu'il abaissera à 1:45,05 en 2003 en gagnant la médaille d'or des Jeux panaméricains.
1500 mètres
À 17 ans, Dave Hill réussit un temps de 3:50,0 en 1970, mais c'est Gene Mercer qui fut le premier sous la barre des 3:50 avec 3:48,3 en 1973. Hill lui a repris le record l'année suivante (3:44,1), puis l'a amélioré quatre fois pour l'abaisser à 3:39,2 en 1977. Ce record a duré 33 ans, jusqu'à ce qu'Olivier Collin le batte en 3:38,25 en 2010. Charles Philibert-Thiboutot en est le titulaire actuel depuis ses 3:34,23 en 2015.
Mille
Dave Hill fut le premier Québécois sous les 4 minutes, soit 3:55,9 en 1977. Ce record devait durer 38 ans. Charles Philibert-Thiboutot l'a abaissé à 3:54,52 en 2015.
3000 m
Trois noms. D'abord Dave Hill, avec ses 8:33,0 à 18 ans en 1971, record qu'il a porté à 8:14,0 en 1976. Ce fut ensuite le règne de Philippe Laheurte, qui a battu le record à cinq reprises de 1981 à 1985. Les 7:57,13 de Laheurte ont tenu le coup 19 ans : Paul Morrison s'est approprié le record en 2004 en 7:52,24. Depuis, aucun Québécois n'a couru cette épreuve en moins de 8:12.
5000 m
Dave Hill, encore lui, fut le premier sous les 14 minutes, avec 13:48,4 en 1978. Il détenait le record depuis 1971 (14:23,2), marque qu'il avait portée à 14:18 en 1972. Alain Bordeleau a battu le record de Hill en 1983 (13:46,86), puis deux autres fois (13:43,17 en 1984 et 13:41,77 en 1985). Paul Morrison a poussé le record à 13:26,57 en 2004, et, trois ans plus tard, à 13:22,39.
10 000 m
Peter Quance fut le premier coureur québécois sous les 30 minutes, avec 29:48,4 en 1975. Sept ans plus tard, en 1982, Alain Bordeleau brisait la barrière des 29 minutes, avec 28:46,79. En 1984, Bordeleau a porté le record à 28:42,4. Seuls Fraser Bertram (1993) et Janik Lambert (1996) ont couru la distance en moins de 29 minutes par la suite, mais sans menacer le record de Bordeleau.
Demi-marathon
On n'a pas trace de record (ou de meilleure performance québécoise) au demi-marathon avant 1987. Le 1er août de cette année-là, Alain Bordeleau a frappé un grand coup en obtenant un chrono de 1:06:03. Deux ans plus tard, Philippe Laheurte faisait 1:04:08. Ce record fut battu par le coureur d'origine algérienne Mustapha Bennacer en 2003, quand il a réussi 1:03:14.
Marathon
On ne peut parler d'histoire québécoise du marathon sans mentionner le Montréalais Édouard Fabre qui, le 19 avril 1915, a remporté le marathon de Boston en 2:31:41. Il semble toutefois que le parcours n'avait pas la distance réglementaire. Le 19 avril 1940, c'est un autre Québécois, Gérard Côté, qui remporte le marathon de Boston, cette fois en 2:28:28. Deux ans plus tard, Côté récidive en 2:28:25. Il faudra attendre 1975 pour trouver un meilleur chrono. Mehdi Jaouhar, d'origine algérienne mais au Québec depuis la fin des années 1960, remporte le premier marathon d'Ottawa en 2:26:39. La même année, Raymond Will, originaire de la Nouvelle-Écosse mais membre d'un club québécois, fait 2:22:47. On a ensuite Daniel Bégin à 2:21:06 (1980), Bernard Voyer à 2:20:49 (1981), puis Alain Bordeleau à 2:16:36 (1983) et à 2:14:19 (1984). Ce dernier record tient depuis 34 ans.
110 m haies
Les bons hurdlers québécois n'ont pas manqué depuis Tony Nelson au début des années 1970. Nelson a battu ou égalé le record à quatre reprises au moins, le laissant à 14,0 en 1972. Daniel Taillon fut ensuite le premier sous les 14 secondes, soit 13,8 en 1975. L'année suivante, Taillon réalisait un solide chrono électrique de 14,18 et se taillait une place au sein de l'équipe canadienne des Jeux olympiques de Montréal. Pat Fogarty a pris la relève rapidement en 1977, crédité de 13,89, record qu'il a abaissé à 13,85. Ce record tiendra 20 ans, jusqu'à ce qu'Andrew Lissade réussisse 13,81. Cette marque subsiste toujours. Aux Championnats canadiens de 2006, Robert Charbonneau a fait mieux, soit 13,73, mais son test de dopage a révélé qu'il avait consommé... du cannabis. On l'a disqualifié et il a écopé d'un avertissement (pas même de suspension). Triste histoire!
400 m haies
En 1967, Mark Arnold a inscrit un solide 52,9. Il faudra 14 ans pour améliorer cette marque et l'honneur en revint à Pierre Léveillé, qui lui retrancha six dixièmes en 1981. Léveillé obtint le premier record électrique la même année (52,08) et l'améliora encore quatre fois, le portant finalement à 50,32 en 1984. Rova Rabemananjara fut le premier sous les 50 secondes en vertu d'une performance de 49,93 en 1997. Alexandre Marchand battit ce record par un petit centième l'année suivante, puis le porta à 49,79 en juin 1999 pour le fixer définitivement à 49,51 en juillet 1999.
3000 m steeple
Guy Lépine en 1970 (9:05,6) et Peter Quance en 1975 (9:04,6) s'étaient approchés des 9 minutes, mais c'est Philippe Laheurte qui brisa cette barrière en 1977 en vertu d'un chrono de 8:56.4. Alain Bordeleau lui ravit le record dès le début de la saison suivante (8:55,7 le 10 juin 1978), mais Laheurte reprit son bien la même année (8:52,6). Laheurte domina ensuite l'épreuve dans la première moitié des années 1980, battant le record quatre fois pour le porter à 8:29,3 en 1985. La marque tiendra 24 ans, jusqu'à ce qu'Alex Genest réalise 8:27,54 aux Jeux mondiaux universitaires de Belgrade en 2009. Genest a finalement porté le record à 8:19,33 en 2011.
Marche
Deux grands athlètes ont fait l'histoire de la marche au Québec : Marcel Jobin et Guillaume Leblanc. Seulement au 10 000 m sur piste, au 20 km et au 50 km sur route, Jobin totalise pas moins de 18 records de 1970 à 1982, tandis que Leblanc en a accumulé une douzaine de 1976 à 1990. Et les deux hommes en ont établi plusieurs autres dans d'autres épreuves de marche, sur piste et sur route. Retenons que Jobin, qui a maintenant 76 ans, détient toujours le record du 50 km (3:47:48 en 1981) et que Leblanc, 55 ans, est le titulaire du record du 10 000 m sur piste (39:26,02 en 1990), du 10 km sur route (39:48 en 1986) et du 20 km sur route (1:21:13 en 1986).
Hauteur
C'est sans doute l'épreuve qui a vu se succéder les meilleurs Québécois de calibre international. Si l'on excepte Michel Portman, qui a déjà été codétenteur du record à 2,03 m, les cinq autres noms de la liste ont tous participé aux Jeux olympiques. Claude Ferragne fut le pionnier et le premier à 2 mètres (en 1971). Et il fera progresser le record jusqu'à 2,25 m (en 1980). Lui et son beau-frère Robert Forget avaient fait 2,24 m quelques mois avant les Jeux de Montréal en 1976. Alain Métellus a brillamment pris la relève, portant le record à 2,26 m en 1983, puis à 2,28 m en 1985. Charles Lefrançois a égalé le record en 1996 et lui a ajouté 4 centimètres en 1997. Kwaku Boateng l'a finalement arrêté à 2,34 m en 2000. On croit rêver en voyant cette progression fabuleuse. Personne n'a fait mieux que 2,13 m depuis 18 ans.
Perche
Trois noms seulement. Klaus Kuschke à 4,68 m en 1970, puis Glen Colivas, qui établit un nouveau record en 1976 avec 4,88 m et devient le premier à franchir les 5 mètres en 1977 (5,03). En 1980, il se hisse à 5,26 m, un record qui durera près de 20 ans. À sa première année au Québec, en 1998, le Français François Thénault bondit à 5,35 m, mais ce record ne sera pas reconnu parce que Thénault n'était pas encore admissible. Il ne le sera que l'année suivante, en 1999, alors qu'il s'élèvera à 5,40 m, record toujours en vigueur aujourd'hui.
Le dauphin de Thénault, David Foley, ne parviendra jamais à battre ce record. Il n'en totalise pas moins 13 records dans les catégories inférieures à séniors au cours d'une longue carrière qui s'est amorcée en 1999 (4,40 m, record cadet) et qui s'est poursuivie jusqu'à l'an dernier. En sénior, il a réussi, de 2008 à 2016, pas moins de 10 sauts au-dessus de 5,20 m, avec un sommet à 5,36 m, pour une moyenne de 5,24 m. Pas mal!
Longueur
Michel Charland a épaté le monde de l'athlétisme quand, le 7 juillet 1968, dans une compétition en Ontario, il a bondi à 7,81 m, record du Canada (et du Québec). Cette performance lui valait un laissez-passer pour les Jeux olympiques de Mexico. Ce n'est que 18 ans plus tard qu'un Québécois a atteint cette marque : Edrick Floréal l'a égalée à Ottawa en 1986. Bruny Surin, qui, ne l'oublions pas, était un excellent sauteur en longueur avant de devenir le célèbre sprinter que l'on connaît, fut le premier au-delà des 8 mètres : c'était à Houston en mai 1987 (8,03). Floréal a égalé ce record trois mois plus tard, puis s'est envolé à 8,20 m en 1991. Un seul autre Québécois a dépassé les 8 mètres au cours de l'histoire : Ian Lowe a atterri à 8,12 m en 1999, mais le record de 8,20 m restait intact.
Triple saut
Belle progression du record dans cette épreuve, à partir des 14,23 m de George Britten en 1965. Richard Lacombe, qui s'est par ailleurs distingué au décathlon, l'a porté à 14,95 m en 1975, puis à 15,59 m en 1976. En 1984, Denis Trottier bondit à 15,86 m, mais ne conservera le record qu'un peu plus de deux mois, le perdant aux mains (ou aux pieds) de Michel Boutet, qui atterrit à 15,93 m. À 18 ans, Edrick Floréal égale ce record en juin 1985, puis se l'approprie exclusivement au mois d'août suivant (16,44). Il l'améliorera cinq autres fois pour le propulser à 17,29 m en 1989. C'était aussi le record du Canada, imbattu depuis.
Poids
L'historique du record du poids est troublé par la suppression de tous les records de Bishop Dolegiewicz. Venu au Québec en 1975 pour parfaire sa préparation olympique, le colosse ontarien a eu tôt fait de battre le record provincial de Jacques Poirier (17,01 m en 1973) en projetant l'engin à 20,22 m. Il a finalement atteint 20,85 m le 10 juin 1978 à Toronto, un record qu'aucun Québécois par la suite ne devait surpasser. Mais à la Commission Dubin sur le dopage dans l'athlétisme canadien, instituée en 1990 à la suite du scandale Ben Johnson aux Jeux de Séoul, Dolegiewicz a reconnu avoir consommé des substances dopantes tout au long de sa carrière. Athlétisme Canada a donc supprimé tous ses records et la Fédération québécoise lui a emboîté le pas quelques années plus tard. C'est ainsi qu'on a attribué le « vrai » record à Bruno Pauletto, auteur d'un lancer de 20,61 m en 1983. Pauletto avait aussi atteint 20,09 m en 1980.
Disque
On a ici aussi une « affaire » Dolegiewicz, auteur d'un lancer de 65,32 m en 1975. Mais contrairement à son record du poids, supprimé autour de 1995, ce record du disque a subsisté dans les listes des records québécois. Ce n'est qu'en 2012 que le Comité des records, nouvellement créé, l'a invalidé, le remplaçant par les 54,32 m de Luc Poirier en 1982. C'est Robert Vinette qui détenait le record auparavant (49,14 m en 1971, puis 53,42 m en 1972). En juin 2014, Marc-Antoine Lafrenaye-Dugas s'est approprié le record avec 54,89 m, marque qu'il a portée à 57,64 m un mois plus tard.
Marteau
Au début des années 1970, le Lavallois Denis Blais était l'homme fort du Québec. Il a amélioré deux fois le record du marteau : 54,30 m en 1972, puis 55,56 m en 1973. Charles Lafontaine fut le premier à dépasser les 60 mètres avec 60,40 m en 1980. Ce record dura un peu plus de 10 ans, Terry Tsigos atteignant 61,78 m en 1991. Cette fois, le record est retombé en dormance près de 20 ans. Alexandr Bespalov l'a finalement battu en atteignant 62,59 m en juin 2010. Bespalov l'a amélioré deux autres fois (63,10 encore en juin 2010, puis 64,42 en 2011), avant de se le voir ravir par Marc-Antoine Lafrenaye-Dugas en 2016 (64,75). Venu de France en 2015, où il avait déjà réussi un jet de 77,05 m (2012), le chevronné Frédérick Pouzy s'est approprié le record en 67,76 m en juin 2016, le portant finalement à 69,32 m au mois de juillet suivant.
Javelot
On se doit de mentionner la qualité des lanceurs québécois qui ont précédé l'introduction d'un nouveau javelot en 1986. En 1969, André Lajoie, encore d'âge junior, atteignait 72,33 m. En 1970, son coéquipier André Claude, du Club athlétique de l'Université de Montréal, lui ravissait le record en réussissant un jet de 74,90 m. En 1972, Claude devenait le premier lanceur canadien à dépasser les 80 mètres, un tir de 80,54 m à Quantico, en Virginie (et un billet pour les Jeux olympiques de Munich). Luc Laperrière porta le record à 81,64 m en 1977, avant que le Roumain Georghe Megelea, médaillé de bronze des Jeux de Montréal (87,16) et venu terminer sa carrière au Québec, ne fixe le record à 82,68 m en 1980.
En 1986, tout fut effacé, l'ère du nouveau javelot moins planant commençait. À un niveau plus modeste que ses prédécesseurs, Louis Brault se distingua en établissant le record initial à 62,56 m, puis en l'améliorant à cinq reprises jusqu'à 1992 (73,12 m). Andrew McDonagh battit le record en 2000, grâce à un jet de 73,39 m. Sept ans plus tard, arrivait au Québec le Paraguayen Nery Gustavo Kennedy (record personnel de 81,28 en 1998), recruté comme entraîneur chez Les Vainqueurs mais toujours actif sur la pelouse. Admissible aux records du Québec en 2008, il projeta l'engin à 76,66 m lors des Championnats canadiens. On attend toujours la renaissance du javelot québécois.
Décathlon
Historique un peu compliqué du fait de l'introduction d'une nouvelle table de pointage en 1985 et de records reconnus sans information sur la vitesse du vent ou avec moyenne de vent trop favorable. On ne doit pas nier la qualité des performances de Richard Lacombe (7288 points en 1977, recalculés selon la table de 1985) et de Luc Fortin (7367 points en 1983, là aussi selon la table de 1985), mais le Comité des records ne les homologuerait pas aujourd'hui. Restent trois records, « réguliers » ceux-là : 7166 points par Winchester Johnson en 1987, puis 7303 points et 7437 points par Gregory Johnston en 1997 et 1999 respectivement. Michel Genest-Lahaye est le seul autre Québécois à avoir dépassé les 7000 points « dans les règles de l'art » avec 7017 points en 1998.
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